- Description
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Huile sur toile
Vers 1719
Modèle pour le dossier d’un canapé destiné à accompagner la seconde tenture de L’Histoire de Don Quichotte (Rome, palais du Quirinal ; Naples, musée de Capodimonte, Coll. Part.), dont le tissage fut ordonné aux Gobelins par le duc d’Antin en 1719. Le carton est cité dans l’Etat des ouvrages de Peinture faits pour le Roy de 1716 à 1729 : « Un tableau représentant un Amour ayant en tête l’armet de Mambrin, suite de la même Histoire de Dom Quichotte… 235 livres » (Archives nationales, O/1/1921/A/, fol. 3 verso, cité dans Fenaille, 1923, p. 161). Il s’agit d’un exemple précoce de tissage de tapisseries d’ameublement sur métiers de basse-lisse.
On doit sans doute aux artistes chargés des cartons de la tenture l’exécution des modèles pour le canapé. À Charles-Antoine Coypel put ainsi revenir la conception générale du modèle ainsi que la figure du putto, aux joues rehaussées de rose et aux yeux effilés si caractéristiques. Le peintre d'animaux François Desportes fut sans doute chargé de peindre le chien, la dépouille du lion et le singe. L'ornemaniste Claude III Audran peignit peut-être l'alentour, imitant l'encadrement du dossier de bois doré. Un autre spécialiste, sans doute Jean-Baptiste Blain de Fontenay, exécuta les délicates compositions florales qui, tissées, devaient s'apparenter à de véritables guirlandes en suspension. L'amoncellement de livres, le carquois et la torche renversée du petit amour ainsi que les armes à gauche constituent autant de délicats détails agrémentant la composition.
Au-delà de son caractère très décoratif, le modèle multiplie les références satiriques au héros de Cervantès : le putto répète le geste de l’hidalgo, qui prit le bassin d'un barbier pour l'armet enchanté du roi maure Mambrin, réputé rendre invincible son possesseur (1re partie, chap. XXI) ; la dépouille du lion évoque l’attribut herculéen autant que le titre de « chevalier des Lions » dont Don Quichotte se para (2e partie, chap. XII) ; le singe ayant endossé l’armure rappelle quant à lui le caractère parodique et comique du héros chevaleresque ; les livres, enfin, pourraient se référer à la bibliothèque de Don Quichotte (1ère partie, chap. VI), dans laquelle le Roland Furieux de l'Arioste est mentionné. L'ouvrage, ici expressément cité, pourrait de surcroît inscrire les aventures de Don Quichotte dans la généalogie du roman de chevalerie, dont le Roland Furieux constitue l'un des fondements.
Le carton fut restauré en 2013 à l’occasion de l’exposition « Les Gobelins au siècle des Lumières » grâce au concours de la fondation BNP Paribas.
Œuvres en rapport :
- Un dessin préparatoire au carton est mentionné dans le « Catalogue descriptif des dessins de décoration et d'ornement de maîtres anciens exposés au musée des arts décoratifs en 1880 » (cat. 90 p. 24, collection de « M. Bérard ») : « Au centre, sous une peau de lion, l’Amour se coiffant de l’Armet de Mambrin ; à gauche, un singe renversé dans une armure, un casque et une cuirasse ; à droite, un chien, un bouclier, des livres », alors identifié à tort comme une « Partie inférieure de l’alentour de la tenture de l’histoire de Don Quichotte » (Lefrançois, 1994, D.4, p. 414) ; l'oeuvre est à nouveau citée à la vente de Charles-Eugène Bérard à Drouot, les 21, 23 et 25 février 1891 (lot 511).
- Le Mobilier national conserve un autre carton, des mêmes artistes, devant servir de modèle au fond du canapé. (Beauvais-318-002).
- La tapisserie du dossier est conservée dans une collection particulière aux États-Unis (Les Gobelins au siècle des Lumières. cat. exp. 2014, p. 329).
- Bibliographie
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- Fenaille (Maurice), État général des tapisseries de la manufacture des Gobelins depuis son origine jusqu'à nos jours, t. III, 1904, p. 161.
- Fenaille (Maurice), État général des tapisseries de la manufacture des Gobelins depuis son origine jusqu'à nos jours, t. IV, 1907, p. 378.
- Standen (Edith), European Post-Medieval Tapestries and Related Hangings in The Metropolitain Museum of Art, I, 1985, p. 374.
- Lefrançois (Thierry), Charles Coypel (1694-1752), Paris, Arthena, 1994, cat. P.33, p. 175-176.
- Vittet (Jean), Les Gobelins au siècle des Lumières. Un âge d’or de la manufacture royale (cat. exp.), 2014, p. 77, p. 329, fig. 59 p. 92-93.