- Description
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Huile sur toile
1762
3,88 x 3,76 (dimensions totales)
Ce modèle d’alentour s’inscrit dans une suite de cartons pour le décor complet d’une chambre à coucher en tapisseries des Gobelins, devant comprendre des portières murales et des garnitures d’éléments mobiliers – lit à la duchesse, fauteuils, canapés… – assorties. Un « tableau composé, colorié, représentant un Apartement tel qu'il doit être » (Fenaille, 1907, p. 246) – dont on conserve une copie du XIXe (Sotheby’s, New York, 16 mai 1996, n° 99) – rendait compte du projet dans son ensemble.
La conception de ce décor en tapisserie fut initiée par Jacques Neilson, entrepreneur de l’atelier de basse lisse des Gobelins, pour François-Henri d'Harcourt, comte de Lillebonne (1726-1802). Le marquis de Marigny ne dissimulait pas l’intérêt commercial d’une telle réalisation qui, au-delà de cette première commande, ambitionnait de toucher une clientèle de riches particuliers : « un meuble de cette espèce, une fois connu, pouroit faire souhaiter d’en avoir de semblables et ils ne seroient point par leur valeur au-dessus des facultés d’un grand nombre de personnes jouissantes dans Paris d’une honnête opulence qu’ils les préfèroient à toutes sortes de canapés, tentures, lits, sièges et portières en étofes de soye les plus recherchées. Ces tableaux pouroient servir à faire peut-être plus de vingt tentures et meubles conformes aux esquisses choisies par Mr le comte de l’Isle-Bone […] » (Mémoire inédit de 1761, Archives nationales, O/1/1055, cité dans Les Gobelins au Siècle des Lumières, cat. exp., 2014, p. 221).
L’exécution de cartons à l’échelle débuta en 1761. Les sujets centraux revinrent à Clément-Louis Belle d’après François Boucher. Le peintre de fleurs et d’ornements Maurice Jacques se vit quant à lui confier la conception du fond de lit et des alentours des tapisseries, pour lesquels le Mobilier national conserve trois modèles (GOB-246-001 ; GOB-189-001 à 004 ; GOB-190-001 à 004). Le projet de Lillebonne fut abandonné en 1768 mais inspira fortement le comte de Coventry – qui, en 1763, commanda une suite de tapisseries d’après des modèles similaires pour le salon de son château de Croome Court –, ainsi que le prince de Condé pour la chambre de sa belle-fille à l'hôtel de Lassay, à partir de 1769 (Fenaille, 1907, IV, p. 401).
Le paiement des deux modèles d’alentour conservés au Mobilier national sont indiqué dans le « Mémoire des ouvrages de peinture faits pour le service du Roy […] par Maurice Jacques », en 1762, accompagnés de leur description :
« Un tableau de 12 pieds de haut sur 11 pieds 10 pouces de large [GOB-189-001 à 004], orné d'une moulure avec ses bordures très riches, peintes et feintes en or imitant la sculpture, sur laquelle bordure est un groupe de fleurs en guirlandes. Et en assise sur le bas de ladite bordure sont groupées des fleurs pour accompagner un Vaze imitant le lapis aussi enrichi de fleurs peintes en coloris. Dans le milieu du susdit tableau est représentée une bordure ovalle peinte et feinte en or vert ornée de fleurs peintes en coloris : cet alentour est composé et orné de façon à pouvoir recevoir des tableaux […]
Plus un autre tableau de 12 pieds de haut sur 8 pieds 1/2 de large [GOB-190-001 à 004], orné comme le précédent, celui-cy destiné pour une moyenne pièce […] ».
Les deux œuvres furent respectivement payées 2 000 et 1 600 livres au peintre, une somme élevée que justifie leur extraordinaire qualité. Maurice Jacques déploie en effet tout son talent dans la description minutieuse et sensible des fleurs, réunies en gerbes aux angles inférieurs, jaillissant du vase en bouquet, suspendues en guirlandes ou donnant l’illusion de s'épanouir derrière le cadre. À peine esquissée à l’arrière-plan, le dessin d’une architecture portée par de fines colonnettes rappelle l’alentour projeté par l’artiste pour le fond du lit du comte de Lillebonne (GOB-246-001). La riche mouluration de la bordure extérieure témoigne encore des caprices de l’art rocaille tandis que les formes assagies du médaillon central et, surtout, le motif du vase avec sa frise de grecques, constituent des manifestations précoces du goût néoclassique.
Œuvres en rapport :
- GOB-189-001, GOB-189-003, GOB-189-004
- GOB-190-001, GOB-190-002, GOB-190-003, GOB-190-004
- GOB-246-001
- Bibliographie
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- Geffroy (Gustave), Les Modèles et les tapisseries des Gobelins, III, s.d., pl. 90, 93, 95, 96-97, 102-103.
- Fenaille (Maurice), État général des tapisseries de la manufacture des Gobelins depuis son origine jusqu’à nos jours, t. IV, 1907, p. 229-320, p. 246, p. 256-257, p. 400-401, ill. p. 246.
- Dauterman (Carl), Parker (James) et Standen (Edith), Decorative art from the Samuel H. Kress collection at the Metropolitan museum of art…, 1964, p. 47-49, fig. 29 p. 48.
- Standen (Edith), European Post-Medieval Tapestries and Related Hangings in The Metropolitan Museum of Art, 1985, vol I., p. 394.
- Vittet (Jean), Les Gobelins au siècle des Lumières. Un âge d'or de la manufacture royale (cat. exp.), 2014, p. 222-224.
- Reineke (Anika), Der stoff der räume. Textile raumkonzepte im Französischen interieur des 18. Jahrhunderts, 2020, p. 98-99.