Encyclopédie des savoir-faire
Mobilier National

La Chute de Phaéton Restauration d’une pendule Empire
Temps de lecture 8 min

pendule la chute de Phaéton

A l’été 2022, l’atelier de lustrerie-bronze a reçu pour mission de restaurer une pendule intitulée La Chute de Phaéton. Matthieu, l’un des agents mobilisés pour cette restauration, nous présente quelques-unes des interventions ainsi que les savoir-faire mis en œuvre pour ce projet.

Les métiers de l’atelier lustrerie-bronze

Les techniciens de l’atelier lustrerie-bronze sont très polyvalents et maitrisent les trois métiers de base de l’atelier :

Ciseleur : limer les pièces pour travailler les volumes et créer les effets de texture

Monteur en bronze : assembler les éléments entre eux

- Tourneur sur bronze : de la même façon que l’on tourne le bois, tourner le métal, par exemple pour créer un piédouche

D’autres spécialités peuvent s’ajouter selon les affinités de chacun des membres de l’atelier, notamment en horlogerie (démonter et remonter un mécanisme et le remettre en marche) et en serrurerie (démonter et remonter une serrure, refaire une clé).

Matthieu est diplômé de l’école Boulle. Il a travaillé pendant 5 ans dans la restauration et la fabrication de luminaires avant d’intégrer le Mobilier national en 2016.

« Il y a un certain niveau d’exigence au Mobilier national. Il faut tout anticiper et tous les objets doivent fonctionner, contrairement à un musée »

Il apprécie particulièrement le niveau d’exigence du Mobilier national. La plupart des biens étant utilisés pour l’ameublement des lieux de pouvoir, les restaurations doivent permettre aux pendules de donner l’heure, aux clés d’ouvrir les serrures, etc.

Matthieu apprécie également la transmission entre générations au sein de l’atelier, où les plus anciens forment les plus jeunes.

La chute de Phaéton : une scène dramatique richement ornée

Gml 3385 001 1355 Mobilier National
La Chute de Phaéton : vue d'ensemble avant restauration

Cette pendule est en réalité constituée de 2 éléments : la pendule proprement dite (GML3385/001) et son socle (GML 3385/002) qui renferme un orgue.

La pendule illustre le mythe de la chute de Phaéton. Le fils du dieu Soleil emprunte le char de son père et est finalement foudroyé par Zeus. La pendule reprend ce motif avec la figure de Phaéton qui perd l’équilibre et les chevaux qui s’affolent, dans un décor de nuages et de foudre. Sur le socle, des baguettes de verre, autrefois mobiles, représentent l’eau. Le char et ses roues sont ornés de strass.

Le socle abrite un mécanisme complexe (chaîne, roue crantée, soufflet) qui actionne un orgue et joue de la musique. Il s’agit d’une véritable boîte à musique.

L’œuvre est très imposante par ses dimensions et fait près d’un mètre de haut.

Cette pendule fut en dépôt à l’Élysée de 1975 à 2018, dans le salon des ambassadeurs.

La chute de Phaéton
La Chute de Phaéton : épitaphe
la chute de Phaéton
La Chute de Phaéton : le cadran de la pendule indique les heures, jours, mois et phases de la lune

Découvrez les notices détaillées des œuvres

Planifier les interventions de l’atelier et des partenaires externes

la chute de Phaéton : démontage de la pendule
La Chute de Phaéton : démontage de la pendule
La chute de Phaéton
La Chute de Phaéton : le mécanisme de la pendule vient s'insérer dans le creux (avant nettoyage)

Lorsque l’atelier de lustrerie-bronze prend en charge une nouvelle restauration, le chef d’atelier procède à une expertise de la pièce. Il évalue le nombre de pièces manquantes, l’ensemble des tâches à réaliser, et liste les prestations qui devront être prises en charge par un atelier externe (par exemple la fonderie et la dorure). Ce travail d’évaluation et les choix éventuels qui en découlent sont réalisés en concertation avec le conservateur en charge de la collection.

Pour La Chute de Phaéton, le constat était le suivant :

- Il manquait des éléments de décor (foudre et rayons lumineux) ;

- le mouvement de la pendule ne fonctionnait plus ;

- la poussière avait terni le bronze ;

- le mécanisme musical ne fonctionnait plus ;

Puis un groupe de techniciens d’art va prendre en charge les restaurations. Pour La Chute de Phaéton, 3 agents vont intervenir. L’atelier est particulièrement attentif à la gestion du temps et du planning. Par exemple, il faut envoyer les moules au fondeur en début de restauration, de façon à ce que les pièces soient prêtes au moment où il faudra remonter la pendule.

L’atelier fait toujours un montage à blanc avant d’envoyer les pièces chez le doreur, pour s’assurer qu’il ne manque aucun élément. Il faut souvent compter au moins un mois d’attente pour la dorure.

De même, lorsque tous les éléments ont été nettoyés, il arrive qu’on remarque des fissures qui nécessitent que l’on ressoude. Les agents doivent anticiper chacune de ces étapes.

L’atelier va faire appel à un horloger externe pour restaurer le mouvement de la pendule. Il faut compter 5 mois de délai.

Documenter le montage et démontage

La chute de Phaéton
La Chute de Phaéton : plaques et sculptures après démontage du socle

Afin de documenter l’ordre et le sens de montage des pièces, les agents prennent de nombreuses photos au cours de l’intervention et dessinent des plans.

Une œuvre comme la Chute de Phaéton comprend un très grand nombre d’éléments de décoration qui se démontent (rien que sur la pendule : Phaéton, le char, les chevaux, les éclairs, les nuages, les faisceaux lumineux…). Il s’agit de n’égarer aucune visserie. Les plus petits éléments sont fixés sur un plan cartonné.

Le montage est un moment crucial. Il n’est pas question que les objets soient remontés directement sur le lieu de dépôt (ici l’Élysée), où les agents doivent intervenir rapidement et où ils ne peuvent pas amener tous leurs outils. Pour chaque restauration, on procède donc à un montage à blanc, que ce soit pour les pendules, les lustres ou tout autre objet, de façon à vérifier que rien ne manque. Puis certaines parties peuvent être à nouveau démontées pour le transport, en raison du poids ou de la fragilité (par exemple la cristallerie d’un lustre).

la chute de Phaéton : plan pour le démontage (pendule)
La Chute de Phaéton : plan pour le démontage (pendule)
la chute de Phaéton : démontage du socle boite à musique
La Chute de Phaéton : démontage du socle boite à musique
la chute de Phaéton : démontage du socle (extérieur)
La Chute de Phaéton : démontage du socle (extérieur)
la chute de Phaéton : démontage du socle (intérieur)
La Chute de Phaéton : démontage du socle (intérieur)
la chute de Phaéton : plan pour démontage (socle)
La Chute de Phaéton : plan pour démontage (socle)

Fondre les parties manquantes : la fonte à la cire perdue

Il manquait plusieurs faisceaux lumineux en bronze doré autour des figurines. L’atelier fait donc appel à un fondeur qui va recréer ces pièces. Le technicien du Mobilier national va d’abord fabriquer un moule en Plastiline, puis en silicone à partir des faisceaux restants. C’est ce moule qui sera confié au fondeur. Le fondeur va travailler avec la technique de la cire perdue. L’inconvénient de cette technique est que l’objet final aura réduit d’environ 4%. L’avantage est qu’il n’est pas nécessaire de fournir la pièce d’origine au fondeur (le moule suffit) et que l’objet final a une bonne définition.

la chute de Phaéton : moules en Plastiline pour faire fondre les faisceaux lumineux
La Chute de Phaéton : moules en Plastiline pour faire fondre les faisceaux lumineux

Dégrossir les pièces nouvellement fondues : la fonte au sable

Si le fondeur n’utilise pas la technique de la cire perdue, il peut utiliser celle de la fonte au sable, qui offre notamment l’avantage de produire un objet plus souple et donc plus facile à retravailler. En revanche, la pièce livrée par le fondeur nécessite d’être dégrossie. On va commencer à dégrossir le pourtour de la pièce avec une lime et parfois une petite scie, puis on travaillera les détails.

la chute de Phaéton : dégrossir une pièce (technique de la fonte au sable)
La Chute de Phaéton : dégrossir une pièce (technique de la fonte au sable)

Créer les effets de matière

Une fois que la partie manquante a été refondue, le restaurateur va recréer les effets de matière. Par exemple, on peut vouloir :

Chairer, c’est-à-dire masser le métal avec une lime ou un rifloir, de manière circulaire, pour créer la texture de la peau, en particulier sur les figurines humaines.

- Poiler, c’est-à-dire faire le même geste, ou bien utiliser un ciselet, pour recréer le poil des animaux. Les ciselets sont en acier. Ils sont très résistants et l’atelier possède des ciselets très anciens. Au besoin, les agents peuvent aussi fabriquer leurs propres outils.

Ciselets
Ciselets

Le tour à bronze

En lustrerie-bronze, on appelle « lumière » l’ensemble composé de :

- Un binet (pièce qui reçoit la bougie ou aujourd’hui le culot de l’ampoule) ;

- Une bobèche (qui accueille le binet et forme le pied) ;

- Un bassin ;

C’est ainsi que l’on parle d’un lustre à 12 lumières par exemple.

Le tour permet de façonner ces différents éléments et de créer le décor. Pour cela, on utilise des molettes, qui viennent « imprimer » le décor dans le bronze. L’atelier dispose d’un grand nombre de molettes, permettant de produire des décors variés. La taille de la molette doit être proportionnelle à la taille de la pièce à décorer. Les motifs sont souvent propres à chaque époque.

tour à bronze
La Chute de Phaéton : une lumière près du tour
Molettes à motif de feuilles
Molettes à motif de feuilles
Molettes pour le tour à bronze
Molettes pour le tour
Molettes à motif de perle
Molettes à motif de perle

A la fin de la restauration, la pendule restera à l’atelier 3 semaines pour vérifier que le mécanisme fonctionne et est bien réglé.

Pour le moment, la restauration de la boîte à musique n’est pas envisagée, car il faudrait faire appel à un restaurateur spécialisé. Mais cela n’empêchera pas la pendule de retrouver sa place au palais de l’Élysée.

Salon Des Ambassadeurs Du Palais De L'Elyse
La Chute de Phaéton en dépôt dans le Salon des Ambassadeurs du palais de l'Élysée, 2014
chute de Phaéton
La Chute de Phaéton, à nouveau installée dans le salon des ambassadeurs, Palais de l’Élysée, juin 2023
Crédits photo

Alice Aguirregabiria, Mobilier national, droits réservés, Tangopaso, Public domain, via Wikimedia Commons.