Encyclopédie des savoir-faire
Mobilier National

Reconnaître les essences de bois utilisées en menuiserie en sièges Exercices pratiques avec l’atelier de menuiserie en sièges
Temps de lecture 10 min

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Reconnaître les essences de bois est l’un des savoir-faire essentiels de tout restaurateur ou menuisier. En effet, on cherchera le plus souvent à restaurer avec des essences de bois identiques, dans un souci de restitution. De plus, chaque essence ayant des propriétés différentes, le travail de découpe, de sculpture ou d'assemblage) ne sera pas le même selon l’essence présente sur l’objet à restaurer.

Nous nous intéressons ici aux essences utilisées en menuiserie en sièges (chaises, fauteuils, canapés…). En effet, les essences sont parfois différentes en ébénisterie (bureaux, consoles, bibliothèques…) et souvent plus variées.

Cérile Faucheux, chef de l’atelier de menuiserie en sièges, nous présente les principales essences utilisées et nous guide en réserve pour des exercices pratiques.

À l'origine était un arbre

Pour bien reconnaître une essence, il faut d’abord connaître la structure d’un arbre et les parties qui sont utilisées en menuiserie. Naturellement, on utilise le plus souvent le tronc, débité en planches, mais on peut aussi tirer profit de la loupe, qui est une excroissance du tronc (ex : la loupe d’amboine), ou bien de la ronce, c’est-à-dire le bois qui constitue la souche de l’arbre, et présente souvent des cernes noirs. La ronce est souvent utilisée en placage (ex : la ronce de noyer).

De plus, selon le type de découpe et la zone du tronc dont la planche est issue, les motifs du bois seront différents. Par exemple, une planche débitée au cœur du tronc aura des fils très droits, tandis qu’une planche débitée sur la dosse (proche de l’écorce) aura des motifs plus prononcés ou en forme.

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Quelques échantillons de différentes essences utilisées en menuiserie en sièges

Les bois d’un siège peuvent être apparents (nus, cirés, teintés) ou peints (de couleur ou dorés). Les sièges en bois dorés ou peints sont souvent réalisés en hêtre, pour ses qualités mécaniques, son coût et sa disponibilité. Selon le type de siège, on sera le plus souvent amené à l’observer sous toutes les coutures et notamment par-dessous.

Les principales essences en menuiserie en sièges par zone géographique

En menuiserie en sièges, le nombre d’essences est en réalité assez limité : quelques dizaines sont utilisées alors qu’on dénombre près de 60 000 essences dans le monde.

Les principales essences en Europe :

- Le noyer : ses qualités se prêtent bien à la sculpture (réalisation de grande qualité).

- Le hêtre : très bonne résistance, le plus couramment utilisé.

- Le chêne : il est fibreux et cassant, inadapté aux découpes trop prononcées.

- L’érable : essence proche du sycomore au grain très fin.

- Le frêne : il est peu utilisé en siège (sauf à partir du XXe), en revanche il sert souvent à fabriquer des manches d’outils.

- Le tilleul : il est souvent utilisé pour des consoles et des torchères, en tournage et en sculpture.

- Le platane : proche du hêtre, c’est un arbre d’ornement qui ne pousse pas en forêt.

- Le merisier : il est peu utilisé, sauf pendant la période Art Nouveau. Les arbres fruitiers sont essentiellement utilisés pour la production de sièges de petites factures ou des productions régionales.

- L’orme : sa production est faible en France., donc peu utilisé.

- Le châtaigner : il est peu utilisé dans le siège car ses propriétés sont proches de celles du chêne.

Jusqu’à la fin du XXVIIIe siècle, on utilise presque exclusivement des essences locales. Puis à partir du XIXe siècle, on utilise beaucoup l’acajou d’Amérique et d’autres essences exotiques, comme le palissandre du Brésil ou l’amarante. Dans la première moitié du XXe siècle, les bois sont le plus souvent vernis afin de mettre en valeur le décor des essences.

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Les pores du bois sont bien visibles sur le platane
vieillissement UV du bois
Le vieillissement dû aux UV sur un bois clair

Les principales essences en Amérique latine :

- L’acajou (Amérique centrale, Saint Domingue)

- L’amarante (en Guyane)

- Le palissandre (du Brésil, dit de Rio)

- Le palmier (en placage uniquement)


Les principales essences en Afrique :

- L’ébène

- Le kotibé (utilisé pour les copies de sièges de style au XXe siècle)

- Le bossé (utilisé pour les copies de sièges de style au XXe siècle)

- Le wengé (mobilier contemporain)


Les principales essences en Asie :

- Le palissandre des Indes (période des arts décoratifs)

- L’ébène de Macassar (période des arts décoratifs)

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L'amarante (au 1er plan) est reconnaissable à sa couleur pourpre violacé. Il devient brun en étant exposé aux UV.
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Le palmier, avec ses couleurs brun noir et ivoire et ses pores importants, est facile à reconnaître

Les critères de reconnaissance des essences

Pour les bois neufs, ils sont au nombre de quatre :

- L’observation de la couleur, des lignes, de la brillance, des pores…

- La densité (le poids)

- L’odeur

- Le son (la résonance)

La densité du bois varie de 0,4 kilogrammes pour un décimètre cube pour le tilleul par exemple à 1,1 pour l’ébène ou le palissandre, qui sont plus « lourds » que l’eau.

On peut humidifier un bois neuf pour que son parfum exhale.

Pour les bois anciens, l'identification est souvent plus complexe. On peut mobiliser les critères suivants :

- L’observation de la couleur, des lignes, de la brillance, des pores…

- La densité (le poids)

- L’impact des finitions, du vieillissement et des traces d’outils

Sur ce dernier point, on peut évaluer :

- La transparence des finitions comme les cires, vernis et teintes

- L’opacité des finitions comme les peintures, laques et dorures

- L’impact des rayonnements UV : dans la plupart des cas les bois clairs jaunissent, les bois foncés s’éclaircissent

- Le décapage (qui grise les bois)

- Le sciage

- Les semences de tapissier

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Quatre sièges dans la réserve Perret, Mobilier national, Paris

Selon que l’on intervient sur un bois neuf ou ancien, on ne va pas pouvoir mobiliser les mêmes critères d’identification. En effet, un bois ancien aura subi les effets du vieillissement et aura perdu un certain nombre de caractéristiques.

Exercices pratiques en réserve

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Deux chaises à grille

Ces deux chaises à grille ont l'air semblable, pourtant celle de gauche est en hêtre (couleur beige clair légèrement rosé), tandis que celle de droite est en noyer (couleur brun/gris, veines noires) avec placage en acajou.

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Chaise à grille, détail des pieds

On remarque que les pieds avant ont été restaurés et sont plus récents que la ceinture qui présente des traces de trous faits par des insectes xylophages. La ceinture est en hêtre plaqué d'acajou, reconnaissable à sa couleur brun bordeaux.

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Dossier de chaise (GMT-18252-000)

Sur cette chaise ajourée, on reconnaît l'érable moucheté à son motif et l'amarante à sa couleur (pourpre à l'origine, elle a foncé).

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Dossier de chaise (GMT-22099-001)

Sur ce dossier sculpté, on reconnaît le chêne à ses motifs très marqués et sa couleur chaude.

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Fauteuil couvert de tapisserie (BEAUVAIS-39-004)

Ce fauteuil recouvert d'une tapisserie de Beauvais d'après un carton de Paul Vera est en bois de palissandre des Indes, reconnaissable à sa couleur brun noir / violet foncé, légèrement caramel, et sa densité élevée (>1).

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Dessous de fauteuil (BEAUVAIS-39-004)

Le dessous du fauteuil présente des trous formés par les semences (clous) de tapissiers. Les pieds sont en ivoire.

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Fauteuil en bois doré, détail du dossier

Sur ce fauteuil en bois doré sculpté, la dorure recouvre le bois et ne permet pas de reconnaître son essence au premier coup d’œil.

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Fauteuil en bois doré, détail du dessous de l'assise

En observant le dessous de l'assise, on remarque de nombreux trous de semences, des traces de dorure (marques jaunes). La couleur claire du bois nous oriente vers le hêtre.

Finalement, il est indispensable d'observer les différentes faces d'un siège (dossier recto et verso, ceinture, dessous de l'assise) pour identifier les essences, et mobiliser tous les critères de reconnaissance disponibles.

Les rayons ultra-violets détériorent et décolorent fortement la teinte naturelle du bois et des vernis. Il est utile de s'aider d'une source lumineuse (lampe de poche) pour faire ressortir les pores du bois et sa maille.

Les pieds, la ceinture et le dossier d'un siège ne sont pas toujours réalisés dans la même essence de bois.

Les semences de fixation de la garniture et l'usure rendent parfois difficile le travail d'identification du bois.

Découvrir les notices de certains sièges présentés

Crédits photo

Alice Aguirregabiria.