Un bureau de matali crasset réalisé à l'ARC
Une réalisation de 2009
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L'ensemble de bureau, comprenant bureau, table de réunion, fauteuil de bureau et quatre fauteuils pour visiteurs a été dessiné par matali crasset et réalisé par l'Atelier de recherche et de création (ARC) entre 2006 et 2009. Il fait partie des collections du Mobilier national (GMC 595 à 601).
Le choix du projet en commission
Comme pour la plupart des meubles réalisés par l’ARC, les projets initiaux sont choisis par une commission composée d’artistes, de personnalités du monde de l’Art, de représentants du Mobilier national, et présidée par le directeur adjoint chargé des arts plastiques (anciennement délégué aux arts plastiques), de la direction de la création artistique. Un rapporteur de la commission et inspecteur au Mobilier national fait le lien avec les artistes contemporains et prépare les commissions. C’est donc la commission du 1er mars 2005 qui a retenu le projet de matali crasset.
La fabrication du mannequin a permis de valider la palette de couleurs
Le projet de matali crasset démarre en septembre 2006 avec l’étude des plans fournis par l’artiste. L’ARC réalise un premier mannequin de fabrication grandeur nature en contreplaqué et carton. En 2007 l’artiste vient voir ce mannequin ce qui lui permet de confirmer son projet, sa faisabilité. "Au départ j’avais envisagé des couleurs un peu plus vives, le centre du bureau était un peu plus orange. Et puis, petit à petit, on est allé vers ces couleurs plus sobres parce que je pensais qu’il y avait besoin d’équilibrer le volume et le côté intime. C’est en voyant le mannequin que les couleurs plus douces se sont imposées. La forme s’exprimait déjà, on n’avait pas besoin d’en rajouter plus", explique matali crasset.
La fabrication du prototype a nécessité de mobiliser des savoir-faire liés au travail du métal, du bois et du cuir
En 2008, la fabrication du prototype du bureau commence. C’est François Malchrowiz qui en a la responsabilité avec M. Hurbe (retraité). Michel Fargeas s’occupe des pieds en métal. Ceux-ci sont réalisés en aluminium avec un traitement chimique par anodisation qui leurs donne une finition légèrement dorée, dite "champagne". Les chaises sont confiées à Jérome Bescond pour la partie bois. "Il n’y a pas eu de grosses difficultés de fabrication" nous dit Alain Rotté-Capet, chef de l’ARC, "mais nous avons passé du temps pour l’ajustement des pieds du bureau et sur la garniture du fauteuil."
La table est ensuite réalisée par Julien Hacard (section bois). C’est un emboitement de bois avec une finition cuir et placage qui fait penser à un jeu de construction pour enfants.
Matériaux nobles
Les matériaux choisis par l’artiste sont le cuir et l’érable sycomore.
Les panneaux en carton fort recouvert de cuir de vachette pleine fleur surpiqué ont été réalisés par un artisan indépendant et collés sur la structure en bois fabriquée par l’ARC.
Les accoudoirs des fauteuils sont en sycomore massif. "Sur le travail du sycomore, c’est l’équipe de l’ARC qui m’a proposé de mettre une pièce en bois massif pour les accoudoirs des petits fauteuils, je n’avais pas osé imaginer qu’on puisse le faire, et c’est ce qui le rend très intéressant", précise matali crasset. matali crasset est venue cinq ou six fois dans l’atelier pour suivre et valider les différentes étapes du projet.
"Elle était très à l’écoute et savait bien ce qu’elle voulait. C’est plus facile de travailler avec un designer qui a le sens des réalités et connaît les contraintes techniques", raconte Alain Rotté-Capet.
D’où vient l’idée ?
À l’occasion d’une séance photo à la Chapelle de l'enclos des Gobelins, l’artiste évoque la genèse du projet : "À l’origine, le projet s’intitulait Jardin cubique. Il comprenait des rangements d’une forme très expérimentale et la commission a préféré retenir seulement le bureau et la table. Pour trouver la forme, c’est l’intention qui m’inspire. Pour le bureau, c’est l’idée d’élargir la fonction, de proposer plusieurs attitudes, d’imaginer plus que l’idée classique d’une personne statique assise devant son bureau. Dans ce projet on peut utiliser le bureau à différentes places. Ça devient une petite plate-forme et on va tourner autour. Cela ouvre un peu les usages".
L'ensemble installé à l'Elysée
L’ensemble de mobilier est maintenant fini, précieusement emballé et stocké en réserve. C’est désormais à la mission d’ameublement de le proposer, à un ministre ou à un ambassadeur, en relation avec ses goûts et ses besoins. L’artiste explique le défi que représente le fait de ne pas connaître exactement la destination finale d’un objet : "J’ai essayé de m’imaginer ce que peut être aujourd’hui un objet d’exception. Comme je ne pouvais pas savoir à qui serait destiné l’objet, je suis partie sur l’idée de privilégier la pensée, l’activité de la personne qui utiliserait ces éléments, quelle que soit sa fonction. Cela m’intéressait de voir comment on pouvait proposer un objet de haute facture qui fasse sens avec l’idée de se réunir ou l’idée de travailler, avec les ingrédients qui me sont chers comme la notion de convivialité ou de partage. J’ai imaginé un petit scénario de vie. J’aime bien travailler sur l’idée d’activité aussi, c’est important. On est allé trop loin dans l’idée de passivité c’est-à-dire qu’on a des meubles qui nous englobent, qui nous font prendre une seule position alors qu’ici on offre une plate-forme où on peut imaginer qu’une personne travaille pendant que son collaborateur lui présente des dossiers ou prend des notes sur la partie haute du bureau. En même temps, les rangements sont un peu repliés et sont de ce fait plus accessibles quand on est assis. On a les éléments tout autour de soi, on est entouré. C’est aussi l’idée des tirettes sur les côtés. C’est une mise en forme pour se concentrer. Symboliquement on est au creux de quelque chose, ce qui permet de se concentrer dans son travail. Pour moi la priorité quand on travaille, c’est la pensée. Maintenant avec l’ordinateur on est comme happé vers lui et on oublie un peu cette notion de "penser", de s’intérioriser. Dans le fauteuil, on retrouve aussi l’idée du cocon, d’une petite coque, dans laquelle on vient s’asseoir. Malgré une forme assez élancée, on arrive à donner de l’intimité. C’est un peu l’alchimie que je propose dans ce projet. Le choix du cuir amène aussi quelque chose de plus doux par rapport aux formes qui, elles, sont plutôt brutes."
L'ensemble conçu par matali crasset a finalement rejoint le palais de l’Élysée où il meuble le Salon des fougères, utilisé par le conjoint du Président de la République.
S. Vatar, « matali crasset et l’ARC signent un mobilier de bureau raffiné et futuriste », MN Info, n°2, 2010, p. 2-3.
Isabelle Bideau.